Zoom aujourd’hui sur le célèbre architecte Shigeru Ban, lauréat du prix Pritzker 2014, reconnu pour ses structures humanitaires et de secours en cas de catastrophe, construites à partir de matériaux recyclés ou recyclables. Il est également connu pour ses projets résidentiels et muséaux méticuleusement construits comme le centre Pompidou à Metz ou le Nomadic Museum qui sera l’objet de cet article. Ce projet combine ces deux facettes avec l’utilisation de containers maritimes et de tubes de papier pour créer une galerie mobile sur mesure pour l’exposition itinérante de Gregory Colbert intitulée « Ashes and Snow ».
Après avoir étudié au Southern California Institute of Architecture (SCI-Arc) et à la Cooper Union de New York, Shigeru Ban est retourné dans son Japon natal. Après le grand tremblement de terre de Hanshin qui a frappé la ville japonaise de Kobe en 2005, l’architecte a commencé à expérimenter l’utilisation de tubes de papier et d’autres matériaux recyclés pour fournir des abris et des structures temporaires aux victimes de catastrophes. L’artiste G. Colbert a contacté l’architecte pour la première fois en 2000, afin de créer un musée mobile transportable mais le projet ne restera guère plus qu’une idée pendant plusieurs années. Une première exposition en 2002 à l’Arsenal de Venise a donné à Colbert la notoriété nécessaire pour monter un spectacle itinérant, et la conception de l’exposition a servi d’inspiration pour la conception finale de Shigeru Ban.
Bien que les configurations aient changé d’un endroit à l’autre, les éléments de base de la structure sont restés identiques. Les murs extérieurs sont constitués d’une pile de containers en damier, les espaces entre étant occupés par des sections inclinées en PVC blanc. Deux rangées de colonnes en tube de papier descendent au centre de la galerie. Un large chemin de planches de bois (recyclées à partir d’échafaudages de construction) court entre les rangées de colonnes et définit le chemin de circulation. La conception de l’éclairage met encore plus l’accent sur le design minimaliste, avec des luminaires qui éclairent le chemin de circulation et effleurent les colonnes, et des spots pour l’art qui créent des ombres sur les sols en roches. La plus grande partie du volume caverneux reste dans l’ombre, ce qui permet de garder l’accent sur l’art.
Bien que la structure elle-même semble relativement simple, les deux sites initiaux de l’exposition itinérante ont posé des défis importants. À New York, le bâtiment était disposé comme une galerie linéaire continue sur le Pier 54 abandonné de Manhattan, avec un espace ouvert à l’extrémité pour la projection d’une version cinématographique de l’œuvre de Colbert. Le bâtiment remplissait la largeur du pier, et la structure marine vieillissante ne pouvait pas supporter le poids d’une grue. Tous les éléments ont dû être installés à partir de barges dans le fleuve Hudson, ou de l’intérieur.
La majeure partie des containers utilisés dans la structure a été louée à chaque endroit, tandis que le reste a été utilisé pour transporter les éléments de construction d’un endroit à l’autre. Après l’installation à New York, Ban et Colbert ont retravaillé l’agencement du bâtiment pour améliorer la circulation. Le résultat a été un plan en forme de H pour la version de Santa Monica de la structure, avec deux longues sections de galerie flanquant un espace central avec un toit en forme de papillon, abritant la présentation du film et une boutique. Cette version, construite sur un parking adjacent à la jetée de Santa Monica, n’a pas connu les mêmes difficultés de construction que l’installation de New York, mais a rencontré de nouveaux obstacles pour répondre aux strictes réglementations sismiques de la ville. Pour assurer la stabilité de la structure, les containers maritimes ont été montés sur des colonnes de tuyaux de 20 cm percés à 12 m dans le sol. Outre les changements de structure et de configuration, un léger changement esthétique a été apporté, en utilisant une palette monochrome de containers de couleur rouille, offrant une plus grande uniformité visuelle.
Lors de ses différents arrêts dans le monde, l’art de Colbert a reçu un accueil mitigé. Le bâtiment de Ban, en revanche, a été presque unanimement salué. Comme l’a dit Philip Nobel, collaborateur de Metropolis : « C’est sans doute le meilleur espace public de New York à l’heure actuelle, peut-être même assez bon pour faire fonctionner l’art insipide qu’il abrite. De l’autre côté de la table, le critique d’architecture du Los Angeles Times Christopher Hawthorne a exprimé une certaine déception, notant que « dans l’ensemble, le musée suggère peu la beauté modeste et vulnérable qui caractérise les meilleurs projets de Ban« .
Initialement prévue pour se rendre sur les sites d’exposition du monde entier, la version de Ban du musée nomade n’a fait qu’un seul arrêt de plus à Tokyo, avec une configuration similaire à celle de Santa Monica. Pour une quatrième version du Musée Nomade à Mexico, Colbert a fait appel à l’architecte colombien Simón Vélez.